Archives expositions personnelles France

Archives expositions personnelles (B)

Pourrir pour ses idées, le texte de Arnaud Stinès

JOUR 1. Les murs rouges renvoient des reflets de soleil couchant devant lequel se détachent de longs filaments nuageux verts ou gris. Un agencement circulaire rappelle les jardins à la française et guide les pas du spectateur qui parcourt leur douce symétrie. De ci de là, des champignons poussent sur des vestiges archéologiques irréguliers. Plus loin, une vidéo habite une pièce sombre et immerge le visiteur dans un décor luxuriant aux accents tropicaux. L'ensemble confère au lieu une ambiance lunaire, hors du temps.

JOUR 10. Le concentré de tomates pourrit sur les murs. Une couche de moisissures verdâtres envahit jour après jour la surface recouverte. Une odeur sûre corrompt l'espace. Sur des briques de plastique noir - ce plastique noir d'ensilage - des champignons flétrissent et se dessèchent sur pied, avant de tomber en poudre sur le sol. En boucle, les images macroscopiques d'aliments donnent au visiteur la vision de canyons de purée, de magma de tomate, de colonies de verts géants.

JOUR 20. Une odeur d'humus enrobe l'espace. Une croûte sèche sur les murs de tomates donne une matière particulière à la surface organique. De nouveaux champignons, des pleurotes, repoussent par les trous des briques de plastique. Dans quelques jours, ils sécheront, tomberont en poussière sur le sol. Puis de nouveaux champignons pousseront. Dans la pièce à côté, la vidéo tourne en boucle. On y voit des graines de poivron vert en très très gros plan, des détails de produits comestibles présentés comme des paysages, des asticots en train d'éclore.

Michel Blazy emploie des matériaux pauvres, qui ne figurent pas dans le registre habituel de l'histoire de l'art. Il compose sa grammaire plastique à partir d'aliments : concentré de tomates, flocons de purée, vermicelles de soja, crème dessert, croquettes pour chien, fournitures hygiéniques. La liste est aussi longue que le rayon épicerie d'un supermarché, où l'artiste trouve la matière nécessaire à ses oeuvres. Michel Blazy use de denrées du quotidien, en écho lointain à l'Arte Povera qui, en Italie, dans les années 1960, défiait les valeurs de la société de consommation et du marché de l'art, en proposant des oeuvres privilégiant le processus du résultat et l'économie de moyens, en rendant visible l'insignifiant.

JOUR 20. Une odeur d'humus enrobe l'espace. Une croûte sèche sur les murs de tomates donne une matière particulière à la surface organique. De nouveaux champignons, des pleurotes, repoussent par les trous des briques de plastique. Dans quelques jours, ils sécheront, tomberont en poussière sur le sol. Puis de nouveaux champignons pousseront. Dans la pièce à côté, la vidéo tourne en boucle. On y voit des graines de poivron vert en très très gros plan, des détails de produits comestibles présentés comme des paysages, des asticots en train d'éclore.

Michel Blazy emploie des matériaux pauvres, qui ne figurent pas dans le registre habituel de l'histoire de l'art. Il compose sa grammaire plastique à partir d'aliments : concentré de tomates, flocons de purée, vermicelles de soja, crème dessert, croquettes pour chien, fournitures hygiéniques. La liste est aussi longue que le rayon épicerie d'un supermarché, où l'artiste trouve la matière nécessaire à ses oeuvres. Michel Blazy use de denrées du quotidien, en écho lointain à l'arte povera qui, en Italie, dans les années 1960, défiait les valeurs de la société de consommation et du marché de l'art, en proposant des oeuvres privilégiant le processus du résultat et l'économie de moyens, en rendant visible l'insignifiant.

La pauvreté des matériaux, le caractère parfois peu spectaculaire des oeuvres produites - ici des feuilles d'essuie-tout posées sur la tranche, là des baguettes de pain dans lesquelles logent des coléoptères - leur détérioration - la notion de conservation semble antinomique avec le travail de l'artiste - tout dans l'oeuvre de Michel Blazy invite à une certaine modestie et rappelle le caractère prosaïque de l'existence.

L'artiste investit la continuité de la vie dans l'articulation qu'il met en jeu entre le micro et la macro. Entre de vastes surfaces enduites de matériaux vivants qui produiront quantité de micro-organismes. Entre la projection en grand format de détails alimentaires. Entre les pleurotes cultivées et propres à la consommation et les champignons microscopiques qui forment les levures, les parasites, les moisissures qui altèrent les aliments.

Le visiteur est mis en jeu dans ce double rapport d'échelle : à la fois spectateur de micro et de macro organismes, mais aussi au centre d'un ensemble complexe où les moisissures sur les murs résonnent avec les champignons visibles, les pleurotes. Il est pris entre deux feux, dans cet espace d'exposition tapissé de concentré de tomates altéré et dont le rapport d'échelle entre les éléments plastiques perturbe la perception. Il n'est là qu'un organisme parmi d'autres, périssable.

L'espace d'art pourrait alors être perçu comme une Vanité, ou une méta-Vanité, qui intègre l'homme dans le processus d'altération du vivant et rappelle, dans la tradition picturale baroque, l'éphémère jouissance des plaisirs terrestres dans l'attente du Jugement Dernier - l'artiste a d'ailleurs réalisé un crâne en croquettes pour chien, figure typique de la Vanité classique transportée dans la société de consommation contemporaine.

Les oeuvres de Michel Blazy se déploient autant dans l'espace que dans le temps. Organiques, elles mûrissent lentement. Jour après jour, elles évoluent. Elles vivent, elles meurent, elles pourrissent, se dessèchent, puis elles entament un nouveau cycle, sans se préoccuper de ce que l'hygiène domestique est prête à recevoir. Au-delà de la performance esthétique, Michel Blazy fait oeuvre de la condition humaine. Vie, mort, putréfaction, dessèchement. L'inexorable fuite du temps prend le pas sur la douceur du moment présent.


Retour exposition Michel Blazy, Excroissance à Rurart

Commande de création à Michel Blazy (sans titre). Production Rurart 2009

Commande de création à Michel Blazy (sans titre). Production Rurart 2009

© ArtCatalyse / Marika Prévosto 2010. Tous droits réservés

Pourrir pour ses idées, le texte de Arnaud Stinès

Exposition du 26 janvier au 25 avril 2010. Rurart D 150, Lycée agricole Venours - 86480 Rouillé. Tél.: +33 (0)5 49 43 62 59. Ouverture du lundi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 18h & le dimanche de 15h à 18h. Entrée libre, visite commentée sur rendez-vous.

  Michel Blazy, Ex Croissance
   Rurart, Rouillé
  26.01 - 25.04.2010