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Les oiseaux cristaux d’Espen Dietrichson


L’œuvre d’Espen Dietrichson présente une certaine constance de points de vues tout en offrant une forme de classification par médium: les sérigraphies montrent des vues de bâtiments contemporains héritiers de la tradition moderne et contemporaine; les objets sculptures sont des maquettes de grande taille reprenant le motif de répétition modulatoire de l’architecture moderne-contemporaine soulignée par l’effet miroir, toute une série plus récente vient ajouter à des paysages urbains ou à de grands paysages marqués par les infrastructures routières, leur décomposition kadéidoscopique.


Les œuvres d’Espen Dietrichson offrent dès le premier regard plusieurs niveaux d’analyses: au sujet qui surgit tels l’architecture ou le paysage urbain, s’ajoute l’analyse plastique à laquelle l’artiste les soumet. Ses images dévoilent leur propre fonctionnement en créant une nouvelle image à partir d’une plus ancienne. Mais ce dévoilement n’en est que plus troublant puisqu’il superpose plusieurs images, qu’il nous fait constamment vaciller de la représentation la plus naturelle à celle la plus réaliste ou la plus abstraite. […]


Il existe chez Espen Dietrichson un lien très fort à la modernité qui ne s’inscrit pas seulement dans le motif répété, dans une iconographie qui chercherait ses racines à travers les détours des Becher, mais aussi et peut-être d’abord par un rôle d’ingénieur. Certes il n’y a pas de machines, mais le résultat même, ses images, sont le fruit de calculs précis, d’un machinisme dont le but ne serait pas de transformer la réalité mais le filtre par lequel nous la voyons: créer une machine à voir autrement, ou peut-être la démonter.


C ‘est à cet instant qu’il requiert l’art contemporain historique, ou pour être plus précis qu’il étend cette interrogation ombilicale à l’histoire contemporaine de l’art, au sens d’une rupture vis-à-vis d’un académisme moderniste et d’une utopie de transformation de la société. Mais Espen Dietrichson y trouve doublement un travail de laboratoire, sur la forme de l’art et dans son rapport à nos mythes contemporains.


Que sont ces façades suspendues comme par un champ électromagnétique ? Que sont ces maquettes qui driffractent leur environnement ? Que sont ces paysages qui se diffractent en une multitude de triangles comme autant de pièces d’un puzzle, mais qui de surcroît, créent un mouvement dans leur propre série, instituant sans doute moins un déplacement que le temps lui-même ?


Nous voyons comme un emboîtement entre ces œuvres, une logique qui conduit des sérigraphies de bâtiments aux maquettes de miroirs, pour aboutir à ces formes abstraites dont la verdeur n’en rappelle pas mois une origine moderniste à caractère quasi-expressionniste. Le grand dilemme est de retour: où est l’esprit ? La modernité aurait-elle pu avoir une âme que nous n’aurions pas vue, qui plus est, une âme sombre ? Ce trouble qu’insinuent les œuvres d’Espen Dietrichson est cette force invisible qui fait éclater la réalité aux yeux des hommes, une force immobile et mobile, comme les jeux de miroirs. […]


Cette tension portée par des contradictions internes aux œuvres - il y a comme une opposition entre ce vers quoi elles tendent et ce qu’elles nous montrent en premier lieu, une forme d’immobilisme mobile - doublée de tensions entre les séries d’œuvres par le jeu des médiums, nous rappelle des jeux de courants contradictoires. Ce que le critique Elvind Slettemeas a très justement rapproché du Maelström, ce tourbillon créé par les courants de marée dans un chenal des îles Lofoten. Mais ce jeu de courants contraires associé à l’usage de matériaux spécifiques, miroir, bois et autres polymères, jouant avec les cloisonnements comme avec la vue kaléidoscopique de paysages périurbains, nous renvoie, au delà des formes, à l’entropie de Robert Smithson.


L’architecture joue donc chez Espen Dietrichson le rôle de l’art en tant qu’absolue transformation du monde, jusque dans notre perception. Et c’est un double mouvement contradictoire qu’il met en place dans ses œuvres, entre une perception architechtonique portée par le rationalisme, et son effondrement conduit par l’emballement de ce système. Ainsi cette suite mathématique décroissante représentée par ces portiques dont l’ordonnancement spatial est généré par un degré d’angle précis, si proche de la famille des Beamings chez François Morellet, transforme-t-il les oiseaux qui s’y perchent en formes géométriques complexes comme des cristaux. Un effondrement épidémique.






































































 







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  Espen Dietrichson, One of Many Unusual Moments
  Galerie Roger Tator, Lyon - 07.09 - 23.11.2012
  Extraits du texte de Jean-Marc Avrilla, août 2012

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Extraits du texte de Jean-Marc Avrilla, août 2012

Exposition du 7 septembre au 23 novembre 2012. Galerie Roger Tator, 36 rue d’Anvers - 69007 Paris. Tél.: +33 (0)4 78 58 83 12. Ouverture du lundi au vendredi de 14h à 19h.