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Communiqué de presse

L’exposition de Hubert Duprat sous le commissariat de Chiara Parisi, directrice du Centre international d'art et du paysage, propose une série de nouvelles oeuvres, pensées pour les très singuliers espaces d'exposition nés de la fantaisie postmoderne d'Aldo Rossi, et témoignant de la coexistence et de la relation de catégories opposées chères à l'artiste: nature et artifice, opacité et transparence.
Massive centrale offre au coeur de l'île de Vassivière un ensemble de merveilles qui montrent la richesse d'une création artistique qui n'a jamais fait mystère de ses propres utopies. Hubert Duprat crée à cette occasion des sculptures expérimentales inédites à base de minéraux (pyrite, calcite, magnétite, mica...), de pâte à modeler...

Les oeuvres peuvent dérouter le spectateur du fait de l'usage et de la singularité des matériaux que l'artiste utilise - qui ne permettent pas de comprendre leur nature à travers un seul angle, qu'il soit visuel ou conceptuel. Cette façon d'opérer nous amène aux confins du connaissable et de l'admissible. Ce rapport visionnaire augmente grâce à la grande capacité technique et formelle de ces réalisations et au total détachement de Hubert Duprat quant à la phase productive, qu'il délègue à d'autres. Ses oeuvres acquièrent quelque chose de prodigieux et d'insaisissable qui pourrait évoquer la poétique des Wunderkammer, si elles n'étaient pas tant ancrées dans une pratique créative contemporaine qui ne laisse pas de doute sur l'époque de leur création. C'est cette idée de modernité qui le rapproche de la recherche conceptuelle mais aussi de celle du design, cet aspect sériel de la répétition et de la reconstitution des formes.

Cette exposition affirme les ambitions du Centre international d'art et du paysage d'opérer avec les artistes afin de devenir un laboratoire pour l'art, catalyseur de leurs utopies, portant leurs projets aux caractères nettement expérimentaux à un niveau d'existence réel à travers leur formalisation. La plupart des sculptures d'Hubert Duprat décrites ci-dessous ont été réalisées et/ou assemblées sur place. Un film, à découvrir dans la pièce d'accueil du centre d'art, retrace la genèse du montage très complexe de cette exposition durant deux pleines semaines (souvent de jour et de nuit) sous la direction de l'artiste.

"Visite" de l'exposition

La nef
La nef du Centre d'art accueille cinq sculptures résultant d'une quête obstinée et d'une rigueur dans l'exécution qui se heurte à une incertitude substantielle, à leur impossibilité d'exister. Ces sculptures naissent des connaissances érudites que l'artiste possède de l'histoire de l'art, de l'archéologie et des sciences naturelles. La pratique de Hubert Duprat embrasse plusieurs domaines et peut être perçue comme l'application de réflexions théoriques sur les éléments qui appartiennent au monde minéral. La nef devient alors le théâtre de questionnements fondamentaux sur l'histoire de l'art: la perception, la fabrique et le prodige, l'artiste démiurge et la nature...

A l'entrée, l'artiste dispose une sculpture cylindrique composée de pyrite, pierre qui a pour particularité d'avoir des cristaux de forme parallélépipédiques. En réalisant cette oeuvre, Hubert Duprat concrétise un véritable tour de force résultant d'un temps important passé à définir les contours de l'oeuvre et à observer les réactions de la matière. La pyrite, appelée "or des fous", est une pierre aussi complexe que sa forme le suggère et très difficile à utiliser. En effet, sa présence dans les mines de charbon a longtemps été source d'accidents puisqu'elle provoquait des coups de grisou. Aujourd'hui, elle est reconnue comme un agent nuisible dans les fabrications en béton, du fait de sa capacité à produire de l'acide sulfurique. Son assemblage n'est donc pas chose aisée, pourtant l'artiste contraint la matière pour lui donner une nouvelle forme dont l'intérieur s'offre comme une grande surface lisse, tel un miroir inspiré de ceux réalisés par les Incas en polissant de grandes surfaces de pyrite.  

A proximité de la sculpture de pyrite, une énorme masse informe de pâte à modeler est assemblée en témoignage de la réflexion entreprise par Hubert Duprat. cette pièce offre une présence ambivalente. La masse apparaît au visiteur comme fluide et volatile et en même temps présente et solide, ce qui permet une harmonisation totale avec les autres oeuvres présentées qui répondent à la même ambigüité dans leur réalisation.

Une autre oeuvre, facettée comme un cristal, est le résultat d'une coupe dans la résine; elle renferme une grande quantité de cônes dont le sectionnement aléatoire crée des figures géométriques diverses (ellipses, paraboles, cercles...) à travers lesquelles on entrevoit la forme initiale du cône.

Le visiteur découvre ensuite une sculpture en calcite optique, appelée aussi "spath d'Islande", minéral très pur, qui divise la lumière qui la traverse en deux rayons permettant d'avoir une image doublée à travers ce cristal. Selon Descartes, une des images est "ordinaire" et l'autre "extraordinaire". En réalisant cette tour "de glace" entièrement constituée de morceaux de calcite placés en quinconce, l'artiste crée une sculpture aérienne et complexe où les rayons lumineux sont démultipliés.

Dans le fond de la nef, le visiteur trouve face à lui un amas énigmatique de plusieurs tonnes de magnétite. Hubert Duprat a choisi de placer dans une même pièce cette multitude de pierres naturellement aimantées. L'importance de la lumière, élément qui traverse toute l'oeuvre de l'artiste, revient dans cette sculpture massive et scintillante dans le même temps. Cet amoncellement de magnétites polies apparaît comme un bloc de lumière additionnant ainsi la force de la simplicité au choc de la surprise.

La salle des études
Le visiteur se trouve face à sept formes cylindriques en résine disposées à même le sol dont les deux extrémités donnent à voir une surface noire. Cette forme extrudée apparaît visuellement comme un cimetière de grands mammifères.

Le petit théâtre
Dans le petit théâtre, l'artiste élabore un dispositif qui transfigure l'espace en y apposant un nouveau plafond recouvert de mica noir et rouge renvoyant explicitement à une voûte constituée de plaques de miroirs cernées de plâtre réalisée au château de Stupinigi dans les environs de Turin par l'architecte du baroque tardif Filippo Juvarra. L'oeuvre présentée joue avec une solution particulièrement utilisée par l'artiste: celle de recouvrir les surfaces.
Ici - plus que dans aucune autre oeuvre - le processus de fabrication est visible au travers de l'utilisation de la pâte à modeler porteuse de traces de doigt présentes sur les jointures entre chaque pierre. L'assemblage du mica et de la pâte à modeler manifeste des correspondances imprévisibles, souligne des équilibres et des solidarités et engendre de nouvelles possibilités d'évolution entre les deux matières, entre les deux tensions opposées 

Le phare
Hubert Duprat se réapproprie ce lieu vertigineux qu'est le phare du Centre d'art en y concevant une installation monumentale. Faisant écho au petit théâtre, celle-ci sectionne l'espace et oblige une nouvelle fois le visiteur à lever les yeux pour découvrir une immense plateforme composée d'une multitude de tubes en pvc aux dimensions variées et aléatoires. Cette surface alvéolaire filtrant l'éclairage zénithal du phare devient par là-même un dispositif paradoxal, à la fois lourd et aérien. Le développement exponentiel de la forme circulaire inscrit lui-même dans un espace rond tient du prodige tant par son incongruité que par la monumentalité. De plus, cette voûte, de par sa composition, se soustrait au regard et selon son angle de vision la rend soit totalement opaque, soit opale.

Hubert Duprat, isolé dans sa bibliothèque qui lui fait office d'atelier, imagine ses sculptures en faisant entrer dans son lieu de travail le monde extérieur. La bibliothèque-atelier devient l'espace imaginaire d'un collectionneur, un lieu pour conserver, un caravansérail de bizarrerie achetées, revendues, barattées pour former un étrange assemblage qui contient les choses les plus disparates, des livres de sciences aux textes sur l'iconographie des insectes. C'est dans cet espace qu'est né le process d'expérimentation générant les intuitions de l'artiste, lesquelles deviennent des sculptures par un système de communication dialogique, entre lui d'une part et ses collaborateurs, assistants et personnes associées à l'oeuvre d'autre part.







Exposition du 6 juillet au 25 octobre 2008. Centre international d'art et du paysage de l'île de Vassivière  87120 Beaumont-du-Lac. Tél.: 05 55 69 27 27. Ouverture tous les jours de 11h à 19h.

Même si l'artiste a choisi ces dernières années d'espacer sa production jusqu'aux limites extrêmes de la disparition, il ne cesse d'être considéré comme un des artistes majeurs de sa génération. Son oeuvre est largement documentée dans les collections publiques françaises et a été présentée à la Fondation Cartier à Paris en 1998, la même année au PS1 de New York et au Mamco de Genève en 1999.

A l'occasion de l'exposition Massive Centrale, un catalogue a été publié aux éditions Silvana Editoriale (Milan) sous la direction artistique de Paola Manfrin.

Le texte d’Emmanuel Latreille

 Hubert Duprat, Massive Centrale
  CIAP, Île de Vassivière
  06.07 - 25.10.2008

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Hubert Duprat, Massive Centrale, CIAP, Île de Vassivière