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Communiqué de presse
Après ses installations en 2016 au Collège des Bernardins avec Solitaire, puis lors de la Nuit Blanche avec Sommeil, évocation d'une forêt figée et gelée, sans oublier une pose au Musée Eugène Delacroix lors de la FIAC, Stéphane Thidet est invité à l'abbaye de Maubuisson pour y présenter avec Désert plusieurs installations produites in situ, visibles jusqu'au 27 août prochain, dans des approches inédites de ce thème.
Si le désert nous évoque spontanément le sable ou la glace, aucun de ces matériaux ne figure ici. Les propositions de l'artiste, résultats de recherches pointues et risquées comme il aime les exercer en tous lieux, explorent le désert dans les quatre salles de l'abbaye à travers des mises en scène bien différentes, dont trois nouvelles productions, où le passage du temps jouera un rôle important dans le contexte de la durée à long terme de l'exposition.
Stéphane Thidet nous fait d'emblée quitter la terre avec l'installation D'un soleil à l'autre. La salle du Parloir, obscure, ne contient que deux grands gongs chinois martelés et brillants à l'image de la surface du soleil, dont l'ombre projetée au mur évoque la pleine lune. Sachons-le, l'espace est un désert d'où parviennent grâce aux prouesses des scientifiques de nombreuses images, mais nul son, malgré la forte activité des planètes et des astres. Stéphane Thidet a fait le pari de matérialiser sur terre les mouvements dans l'espace, en particulier les fréquences et variations du champ magnétique du soleil. Il a réussi à force de collaborations avec des associations scientifiques à concrétiser ce vœu de résonance des planètes qui emplit tout l'espace de la salle, jamais semblable. A cet effet, les deux gongs ont été revêtus à leur envers d'audio-transducteurs reliés en permanence à une antenne radio installée avec une précision extrême dans le parc de l'abbaye. Se propagent des deux gongs devenus hauts-parleurs de multiples sonorités, dont le niveau audible peut devenir très impressionnant, voire violent, lors d'éruptions solaires. L'un d'eux indexé dans les graves, l'autre en perpendiculaire dans les aigus, concrétisent les bruits d'un réel bien lointain dans l’espace en audition stéréo.
Sous le titre Insomnies, l'installation de Stéphane Thidet dans la salle du Chapitre rejoint cette fois l'environnement de l'abbaye à travers une installation ‘monastique’ dans un univers dépouillé. Ici, en écho aux anciennes moniales de Maubuisson qui dormaient à l'étage de l'abbaye, le désert est de nature sexuelle, présenté à travers la culture d'une plante particulière sur des lits de fortune. Deux rangées de lits de dortoir de la plus grande sobriété hébergent en effet dans leur matelas de foin enrobé de toile de jute des plants de gattilier, surnommé l'arbre au poivre. Cette plante du sud de la France a été repérée par l'artiste comme utilisée depuis l'Antiquité gréco-romaine pour préserver les lieux sacrés des plaisirs de la chair. Elle a été cultivée dès le Moyen-Âge par les moines pour ses vertus calmantes et anaphrodisiaques sous forme d'amulettes sculptées dans son bois et de haies protectrices autour des édifices religieux. Planté directement dans les matelas sommaires, le gattilier devrait s'autoriser une vie autonome selon les saisons dans des conditions de serre, décalé désormais de ses fonctions du passé suivant la nouvelle nature du lieu devenu centre d'art.
L'installation Un peu plus loin développée dans la salle des Religieuses se rapporte cette fois à l'évocation par l'artiste d'un phénomène sur le lac asséché de Racetrack Playa en Californie, où des rocs se déplacent sans aucune intervention humaine ou animale. La longue salle des Religieuses est devenue un champ de sculpture. La terre californienne du lac est ici remplacée par deux couches d'argile différentes, la première étant capable de supporter le poids de de lourdes pierres choisies dans le Perche, après une double protection du carrelage originel de l'abbaye. La seconde a été étalée en une seule journée à partir d'argile noire de Picardie et de sable pour s'enrober autour des pierres, avant le déplacement de celles-ci, pour répondre aux gestes primeurs de l'artiste de tirer, traîner, propres au vocabulaire élémentaire de la sculpture, après un long temps de séchage… Stéphane Thidet a magnifié les différents matériaux bruts utilisés dans une apparence formelle très suggestive du désert, sans en reconstituer la réalité pure, dans un mouvement arrêté. Une dentelle d'argile semblable à une congère ourle les sillons marquant le déplacement des pierres désormais figées comme les fissures du sol pour de longs mois. L'abbaye reprend ici sa nature de lieu d'isolement, de silence et de méditation. Et, comme dans la salle du Chapitre, des odeurs se diffusent, ici celle du foin, là celle du chantier de matériaux bruts issus du terroir de proximité...
En complément des productions directement réalisées par l'artiste à l'Abbaye de Maubuisson, est projetée dans la salle des Latrines la vidéo Half Moon, étrange expérience en noir et blanc filmée par Stéphane Thidet en 2012 lors d'une résidence Lucas Art Program à la Villa Montalvo à Saratoga, également en Californie. L'artiste a observé et filmé de nuit à la façon d'une caméra de surveillance des biches et des coyotes descendus des collines proches du domaine, s'approchant jusqu'au perron de la villa. Les animaux se promènent dans le parc entre de grands vases, des statues, une vasque ornée de figures grimaçantes, une sculpture de nymphe accroupie... L'artiste, souhaitant provoquer une réaction des animaux sauvages, a disposé chaque soir au sol en-dessous du perron une longue nappe couverte des éléments d'un repas, que les bêtes, bien qu'intriguées, n'ont jamais tenté de goûter, se contentant de longer le buffet. Stéphane Thidet, qui avait avec provocation installé une meute de six loups dans les douves du parc du Château des Ducs de Bretagne lors d'Estuaire 2009, a été pris cette fois à son propre jeu, effrayé par les hurlements des coyotes durant la nuit, avant de comprendre qu'il s'agissait de réactions de leur part aux sirènes des véhicules sur les routes avoisinantes. Cette rencontre insolite de la vie sauvage et du monde civilisé trouve sa place à l'abbaye de Maubuisson, lieu somme toute isolé dans la nature en pleine ville de Saint-Ouen l'Aumône.
Un film documentaire sur le montage de l'exposition, produit et réalisé par Catherine Brossais, d'une durée de 10' environ, est présenté dans l'antichambre de l'abbaye.
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Exposition du 11 novembre 2016 au 27 août 2017. Abbaye de Maubuisson, avenue Richard de Tour – 95310 Saint-Ouen l’Aumône. Tél. : +33 (0)1 34 64 36 10. Ouverture en semaine, sauf le mardi, de 13h à 18h, samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 18h.
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