Archives expositions personnelles France
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Communiqué de presse
Après la Biennale d’art contemporain de Venise en 2009 et celle de Singapour en 2013, le duo d’artistes australiens d’origine japonaise Ken et Julia Yonetani montre pour la première fois son travail en France à travers l’exposition Un autre rêve présentée à l’abbaye de Maubuisson du 26 novembre au 30 août.
Entre esthétique luxueuse et questions environnementales. La démarche artistique de Ken + Julia Yonetani rejoint leur parcours de vie : nés à Tokyo, ils se sont rencontrés en 1995 et n’ont cessé depuis de vivre et travailler entre l’Australie et le Japon. Entre leur formation d’universitaires (Economie et Arts visuels pour lui, Arts, Histoire de la culture asiatique pour elle) et leur engagement lié aux questions environnementales, cette histoire commune les a conduits à prolonger leur formation académique. Ken a été formé par un maître potier traditionnel d’Okinawa puis le duo a élaboré des installations plus complexes dont les matériaux sont faits à partir de procédés techniques qu’ils ont mis au point au sein de laboratoires de recherche et dont eux seuls détiennent le secret. Les matériaux qu’ils utilisent (sucre, sel, verre d’uranium...) nécessitent une grande maîtrise technique et souvent une collaboration avec le milieu scientifique. La dimension plastique et innovante des oeuvres de ces artistes et leur engagement sur des questions environnementales justifie leur présence à l’abbaye de Maubuisson, elle-même insérée dans un environnement naturel menacé.
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Un décalage volontaire entre apparence et propos. Le projet Un autre rêve rejoint la volonté de faire dialoguer art, innovation et espace d’expérimentation à l’abbaye de Maubuisson. Dans l’exposition, trois œuvres des Yonetani ont été repensées pour les espaces de l’abbaye et une autre, The Last Supper, spécialement créée pour l’occasion. Crystal Palace est une collection de lustres lumineux illustrant le pouvoir nucléaire des nations du monde. Grape Chandelier, The Last Supper et The Five Senses interrogent l’impact environnemental de notre société de consommation tout en faisant référence à l’histoire des arts et aux arts décoratifs. Cette méditation sur l’histoire englobe quelques objets illustrant les fastes du pouvoir, tel le lustre, les cadres ou encore la table omniprésente dans les natures mortes qui apparaissent à la fin du XVIIe siècle. Ces objets décoratifs éminemment séduisants et attractifs, puissamment évocateurs, constituent des amorces de récit (la Cène, le château enchanté…). Ce décalage volontaire instauré entre les surfaces séduisantes des oeuvres (lustres verts fluorescents, moulages d’aliments dressés sur une table d’apparat, cadres anciens ornés, etc.), le travail méticuleux des artistes et les connotations souvent angoissantes des sujets évoqués (les exploitations de minerai d’uranium et la gestion de leurs déchets, la problématique aiguë de la salinité des sols en Australie à cause de l’irrigation intensive, la sécurité alimentaire, etc.) invite à appréhender l’oeuvre aux deux niveaux de l’émerveillement visuel et de l’analyse critique. Ils jouent sur les contrastes entre la beauté de leurs objets et la nature des sujets évoqués, tantôt prosaïques, tantôt polémiques, pour mieux stimuler la réflexion.
Un autre rêve, le parcours. Dans le hall de l’abbaye est suspendue Grape Chandelier, une reprise formelle majestueuse des lustres montgolfières à pendeloques. Associé au genre pictural de la nature morte et au luxe, il est composé de plus de 5 000 billes en sel moulées sur des grains de raisin, en relation avec à la problématique australienne de l’ultra salinité des sols et des rivières dans le bassin Murray-Darling, véritable grenier du continent. Après un moment de silence dans la salle du parloir – autrefois seule pièce de l’abbaye où l’on pouvait parler – où sont accrochés cinq cadres revêtus de sel, Les cinq sens, cadres vides revêtus de sel dénichés par les artistes chez un antiquaire français en Australie, on découvre l’immense œuvre The Last Supper dans la Salle du Chapitre. Cette œuvre impressionnante de neuf mètres de long a été créée pour l’exposition en France. Entièrement réalisée à base de sel, table comprise, avec différents moules offrant aux éléments de la composition une texture mate, poudreuse ou brillante, « Le dernier repas ou la Cène » chargé de nourritures de toutes sorte, revient sur le problème de salinité des sols australiens ainsi que sur celui rencontré de plus en plus par les Japonais pour se nourrir depuis la catastrophe de Fukushima, leur consommation principale étant celle du poisson. Comme l’expliquent les artistes, « Le sel est ici une métaphore de la mort de la terre, sacrifiée au nom de la production et de l’industrie. Notre appétit insatiable de consommation prend fin avec The Last Supper. […] Cette œuvre s’intègre parfaitement bien à l’abbaye, de par son rappel de l’esthétique médiévale et de par l’importance religieuse et artistique de la représentation de la Cène. » Elle a nécessité pour son élaboration plus d’une tonne de sel.
Les autres salles de l’abbaye prennent comme thème évident le nucléaire, avec dans la Salle des religieuses Crystal Palace, une sélection de 8 lustres sur les 31 de l’oeuvre complète réalisée en réaction à la catastrophe nucléaire de Fukushima. D’anciens supports de lustres sont ornés de perles en verre d’uranium (ou ouraline) et d’éclairage UV. Brillant d’une lumière fluorescente verte sous l’effet d’une lumière ultraviolet, les perles sont considérées comme relativement inoffensives. Mais chacun des lustres présentés, par sa taille, opère un classement dénombrant le nombre de centrales nucléaires présentes dans chaque pays. Le lustre des Etats-Unis est le plus monumental, suivi par la France, dont la part d’électricité d’origine nucléaire est la plus élevée. La forme du lustre représentant notre pays est jumelle de celui du hall d’accueil. Les pays sélectionnés sont la Russie, la Chine, les USA, la Suède, l’Ukraine, la France, le Royaume Uni et la Belgique. L’Australie, le plus grand exploitant d’uranium, ne possède pas de centrale nucléaire tout comme le Canada. Le lustre du Japon a été isolé dans l’antichambre pour sa décision de sortie du nucléaire. Il n’est pas illuminé par les ultraviolets.
Enfin, entre ces deux salles, une petite pièce est posée sur un socle. Une boîte à musique sous verre avec une fée clochette est ornée du modèle d’un papillon vivant près de Fukushima. Sensé avoir disparu à cause de la catastrophe, de nouveaux œufs ont été découverts depuis le mars. Les nouveaux papillons présentent des anomalies organiques, et il faudra attendre 27 générations pour le voir se renouveler normalement. La musique libre de droits accompagnant la pièce est celle d’It’s a small world, élaborée par les studios Disney sur le thème de « notre ami l’atome »...
© ArtCatalyse / Marika Prévosto 2014. Tous droits réservés
Exposition du 26 novembre 2014 au 30 août 2015. Abbaye de Maubuisson, avenue Richard de Tour - 85310 Saint-Ouen l’Aumône. Tél.: +33 (0)1 34 64 36 10. Ouverture en semaine de 13h à 18h, sauf le mardi, samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 18h.