Archives expositions personnelles France
Archives expositions personnelles (N-O)
Dans les images de Jürgen Nefzger, la nature domine, apparemment paisible dans une lumière claire. Arbres et paysages allient le grandiose au frémissement des détails saisis lors de prises de vues à la chambre photographique. Les compositions classiques rappellent les peintures de Camille Corot. Mais la modernité est bien là, apportée par l’homme, et le témoignage photographique, sévèrement documentaire. Dans les arrière-plans de la série Fluffy Clouds, le paysage se révèle aménagé et les indices, parfois discrets, souvent en gros plan – fumées, cheminées, bâtiments industriels, réacteurs – indiquent tous l’implantation de centrales nucléaires. Les clichés partagent le cadre avec des scènes insouciantes de loisirs : nous sommes en Europe de l’Ouest, de gais petits nuages blancs moutonnent au-dessus des usines et le confort est présent, golf et chaises-longues assurés. La série Fluffy Clouds, réalisée entre 2003 et 2006, présente en effet des scènes de vie et des paysages de plusieurs pays européens pris sur le vif à proximité de leurs centrales nucléaires respectives. Suivant le rythme des saisons, révélant des positions diverses envers le nucléaire, l'inventaire dressé par Jürgen Nefzger défie l'entendement et laisse perplexe.
Jürgen Nefgzer, Brennilis, France, 2011, série Fluffy Clouds
Communiqué de presse
Dans le cadre de L’Engagement, manifestation nationale organisé par le Réseau Diagonal en partenariat avec le Centre national des arts plastiques (Cnap) et le soutien du ministère de la Culture-DGCA et de l’ADAGP, le CRI des Lumières présente deux séries du photographe Jürgen Nefgzer réalisées à10 ans d'écart autour de la problématique de la présence du nucléaire, en partenariat avec La Chambre et la Galerie Françoise-Paviot.
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Gilles Aillaud
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Marika Prévosto
À
sandie hatem
jul 1 à 2h10 PM
Gilles Aillaud, Le silence sans heurt du présent
En coproduction avec les Musées des beaux-arts de Rennes et de Saint-Rémy de Provence, cette rétrospective parrainée par la Fondation d’Entreprise Michelin est la première grande exposition consacrée à l’artiste depuis 10 ans. Une cinquantaine de tableaux provenant de grandes collections publiques et privées seront exposés au FRAC Auvergne.
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Exposition du 10 décembre 2016 au 05 mars 2017.
Fondation Maeght, 623 chemin des Gardettes – 06570 Saint-Paul de Vence. Tél. : +33 (0)4 93 32 81 63. Ouverture tous les jours de 10h à 18h.
Exposition du 10 décembre 2016 au 30 mars 2017.
Espace de l’Art Concret, château de Mouans – 06370 Mouans-Sartoux. Tél. : +33 (0)4 93 75 71 50. Ouverture du mercredi au dimanche de 13h à 18h.
À l’Espace de l’Art Concret, mettant en jeu le concept d’art total dans C’est à vous de voir..., , Pascal Pineau investit les espaces du Château pour en retrouver la fonction originelle, interrogeant la valeur d’usage des œuvres. Expérimentant les limites du décoratif et de l’ornemental, il ouvre un dialogue entre pièces issues de l’artisanat, du design, objets de brocante et œuvres d’art ‘proprement dites’. Ainsi, les salles d’exposition se transforment en une succession d’espaces domestiques fictifs. Cuisine, bureau, salon, chambre d’enfant, suite parentale… chaque pièce peut se percevoir comme un portrait en creux de l’artiste qui pose un regard introspectif sur une trentaine d’années de pratique artistique.
Sur l’invitation de Pascal Pinaud, Alexandre Curtet, fondateur de Loft interior designers, a été sollicité pour concevoir l’aménagement intérieur de ces espaces en dialogue avec ses œuvres, mais aussi celles d’artistes avec lesquels ce dernier partage des affinités esthétiques, comme Noël Dolla, Mathieu Mercier, Natacha Lesueur, Philippe Ramette…
Jürgen Nefzger, série Bure ou la vie dans les bois
La nuit est noire dans la foret mais on s’y sent bien, protégé par la vigie qui guette les champs - et les hommes en face sous les gyrophares éteints, leurs jumelles dirigées sur l’ombre de la forêt -enfin peut-être ! Le vieux jeu du chat et de la souris. « Des tiques pas des flics » est inscrit sur une palette de bois, prête à être enflammé. Du fil barbelé qui porte un bien joli nom : « concertina ». Des pneus usés et des clous semés crevant surtout les voitures des militants imprudents. De la rhubarbe sauvage et amère pousse aux bords de la voie romaine longeant le bois. Des pièces anciennes frappées aux effigies de sangliers reposent dans le sol mais derrière les haies on trouve encore les douilles de grenades au gaz lacrymogène. Les chercheurs d’or se cachent toujours car ils ont doublement peur de la police et des militants. Les jeunes qui tiennent la garde cette nuit à l’entrée sud de la forêt, lancent l’alerte au petit matin juste pour s’amuser. L’ennui commence tôt. Un avion de chasse coupe le ciel. Des armes et accessoires dignes d’un peplum côtoient des vieilles tablettes gameboy et des jeux de société. Battes cloutées sur fond de tatouages de têtes de morts, est-ce que les gendarmes ont peur eux aussi?
Des pans de mur couchés au sol marqués par des graffs musclés. Un kilomètre de dalles en béton renversées en souvenir d’un beau moment de la lutte de l’été dernier.
LIBEREZ LE PAYSAGE se lit en lettre majuscule sur le béton fissuré, le LI restant couché au sol . Pas de murs à Bure, pas de puits de forage vers des profondeurs abyssales non plus .Rien de tout ça pour l’instant. L’avocat met un chapeau de paille et cite du Thoreau dans sa plaidoirie. Walden, le bois est à nous ! Les militants sont des hiboux. Une boîte de conserve faisant office de caisse libre reste rouillée et vide. Pas trop de liquidité dans la forêt mais tout est à partager. Pas besoin d’argent pour vivre dans le bois. Tenue de camouflage pour ceux qui y tiennent - pas de photos, pas de noms, pas de questions. Il n’y a pas qu’une seule voie qui amène à Bure. Chacun arrive avec son histoire et repart avec. Un laboratoire bouillonnant des convictions et des utopies, une expérimentation sociale aux souvenirs anarchistes lointains où on parle à voix douce dans toutes les langues autour du feu. La parole nous emporte loin dans la nuit. Sur l’écran d’un smartphone les poules photogéniques d’un finlandais font rire tout le monde. Les chiens rapportent sans cesse les bâtons. On tape sur les mouches avec mauvaise conscience. Le bulletin d’information annonce les réunions à venir et rend hommage aux victimes du l’expérience houmous gastro-ravageur de la semaine passée. Ici on arrive souvent à pied, seul avec son sac à dos, ou par vagues, comme la marée. Et on reprend la route dans pas longtemps, c’est à dire dans quelques heures ou quelques mois, mais parfois on y reste tout simplement, en attendant les saisons à venir et en retenant son souffle.»
Jürgen Nefzger, juillet 2017
Un autre commentaire de l'artiste sur le site de Bure, écrit en juin 2019, est disponible sur le site de CRI des Lumières.
Biographie de Jürgen Nefzger
Né en 1968 à Fürth en Allemagne, Jürgen Nefzger vit et travaille en France depuis 1991. Diplômé de l’École Nationale Supérieure de la Photographie à Arles, il est, depuis 2008, artiste enseignant à l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole puis à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence. Le photographe a obtenu le Prix Niépce pour l’ensemble de son travail en 2008. Il est également lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs et du Prix Photo du Jeu de Paume. La publication Fluffy Clouds a reçu le prix du meilleur livre photographique allemand décerné par la Haute École des Médias de Stuttgart. Il est représenté par la galerie Françoise Paviot (Paris) depuis 2001.
Exposition du 17 octobre au 29 décembre 2019. Le CRI des Lumières, Château des Lumières, Place de la deuxième division de cavalerie - 54300 Luneville. Ouverture de 14h à18 en semaine sauf le mardi, samedi et dimanche de 10h à12h et de 14h à18h.
© ArtCatalyse / Marika Prévosto 2007 - 2019. Tous droits réservés
Jürgen Nefzger, série Bure ou la vie dans les bois
Plus loin l’ancienne gare de Luméville. Dimanche, un militant suisse voulait y prendre un train pour rentrer. Il a fallu lui expliquer qu’il n’y avait plus de rails mais un potager communautaire, des champs occupés et un camping improvisé. Puis des villages agricoles aux noms bien terreux : Mandres-en-Barrois, Saudron, Bonnet, Ribeaucourt, Bure. Au bout d’un chemin une forêt belle et dense, quadrillée, barricadée, épicentre de la lutte. On y croise des hommes et des femmes de toute âge, et surtout des jeunes: Mado, Olga, Angel, Patrick, Etienne, Joël puis plus poétiquement Silex, Aguirre, Gargamel, et souvent pas de noms du tout. Une communauté en flux permanent comme un être hybride volatile et soudé à la fois. Des cabanes partout au sol et dans les arbres, des huttes, des tentes, des abris confectionnés avec des branches et des couvertures, parfois de simples hamacs. En journée la forêt résonne sous les coups de marteau.
La vigie sud parle au talkie walkie avec barricade nord, les flics écoutent silencieusement. Dommage, à vigi nord, un cabanon isolé au bout d’un champ, personne ne veut y aller. Le maïs doit être coupé. Partout les moissonneuses s’affolent, c’est l’été et il faut se dépêcher. La semaine prochaine il pleut - priorité au blé d’abord. Des biches stoïques retournent tous les soirs aux mêmes endroits dans les champs où elles se font copines avec Gilles le chasseur assis dans sa jeep noire au bord du chemin. A qui est le bois ? Aujourd’hui il est aux militants, hier l’ANDRA commençait à s’y installer, avant-hier c’était la foret communale de Mandres-en-Barrois et demain? Le bois Lejuc : deuxième forteresse de la zone, point de convergence de la résistance et objet de convoitise de nucléocrates. Un combat inégal aux multiples retournement, des procès gagnés et d’autres perdus. La menace d’expulsion charge le fond de l’air en électricité. Les militants chevronnés au boîtes mail cryptées circulent entre les ZAD (zones à défendre) comme s’ils allaient d’une maison à une autre. De Notre Dame des Landes à Hambacher Forst en passant par Bure - partout un même combat. Défendre des valeurs, affirmer un jugement individuel, braver le système, croire que l’exception peut devenir la règle. Le vegan y croise le carnivore. On ramasse des champignons, on cultive des légumes au potager de la gare, on moissonne des champs occupés, et on fait les grosses courses chez Lidl à Joinville. La Perlenbacher est gardée sous terre bien au frais. C’est la saison de la bière, dans ce bois au mois de juillet. Un feu crépite et sous les brindilles le moka met une demi-heure à se faire. Le temps ralentit mais la journée passe vite.
Jürgen Nefzger, Sellafield, England, 2005, série Fluffy Clouds
Dix ans plus tard, l’artiste allemand, qui vit et travaille en France depuis 1991, reprend ce sujet taraudant en séjournant plusieurs fois dans le bois Lejuc près de Bure, en Lorraine. Il y observe la mobilisation de militants qui s’opposent à un chantier d’enfouissement de déchets nucléaires. La lumière y éclaire des scènes sans violence immédiate, mais habitées des traces de la lutte. La forêt célèbre sa défense silencieusement, par sa seule beauté. Une nouvelle fois, le photographe met en avant la juxtaposition de deux réalités qui s’affrontent aux lisières de notre quotidien. En voici son récit :
« Un paysage comme une huile sur bois de Brueghel l’Ancien. Pentes douces, champs dorés, forêts verdoyantes, clochers de villages sous un ciel moutonneux, quelques éoliennes en plus. Le prototype d’un décor ancestral au sud de la Meuse. Peu de monde dans ce coin de France au cœur de l’été. Des voitures isolées de la gendarmerie mobile en détachement balaient lentement les départementales. Elles font des rondes comme on fait des tours de manège : 37 fois dans une journée, presque autant de passages que d’habitants. A Bure, des jeunes aux masques de hiboux leur tendent un pompon au bout d’une perche : pour l’instant zéro point.
Au centre du village un vieux corps de ferme immense transformé en maison de la résistance. A l’horizon, le laboratoire de l’ANDRA, une forteresse imprenable sur les hauteurs éclairant les nuits d’une faible lueur. Une vision féodale de domination - Brueghel à nouveau. Devant ses douves, l’écothèque où sont cryoconservés à -175°C des échantillons des sol, de l’eau, de la faune et flore d’aujourd’hui en souvenir du bon vieux temps. Bienvenue dans l’anthropocène ! Visite des classes scolaires sur réservation. CIGEO ou pour le néophyte : Centre industriel de stockage géologique prévu pour 80 000 m3 de déchets radioactifs nécessitant 300 km de galeries souterraines à 500 mètres de profondeur. Fin des travaux prévus dans 130 ans, coût estimé 35 milliards d’euros. Que des superlatifs! Les déchets sont l’éternel talon d’Achille d’AREVA. Et en arrière-plan des acronymes tournent 58 réacteurs nucléaires sans relâche qui font de la France le premier consommateur mondial en pourcentage d’électricité d’origine nucléaire.