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Communiqué de presse


« Et si dans cette tête, comment est-ce que les choses se passent? Eh bien, les choses viennent se loger en elle. Elles y entrent et ça, je suis bien sûr que les choses entrent dans ma tête quand je regarde, puisque le soleil, quand il est trop fort et m’éblouit, va déchirer jusqu’au fond de mon cerveau -, et pourtant ces choses qui entrent dans ma tête demeurent bien à l’extérieur puisque je les vois devant moi et que, pour rejoindre, je dois m’avancer à mon tour. »

Michel Foucault, in Le corps utopique, conférence radiophonique


« C’est comme ça qu’en fin de compte, toutes ces têtes folles et philosophiques ont fini par éclater : parce qu’elles ne pouvaient pas jeter assez vite par la fenêtre tous les trésors de leur esprit. Finalement, dans ces têtes, des trésors naissent constamment et vraiment sans relâche, beaucoup plus impitoyablement vite qu’ils ne peuvent être jetés par la fenêtre (de leurs têtes) et un beau jour, ces têtes éclatent et c’est la mort. C’est comme ça qu’un beau jour la tête de Paul a éclaté et qu’il était mort. »

Thomas Bernhard, in Le neveu de Wittgenstein


« Et les membres épars des mauvais interprètes

Ne laissaient dans ces murs que ces bouches muettes. »

Corneille, in Oedipe, 1.4


Le texte de Stéphanie Nava, septembre 2011


(Alors, disons qu’il y aura des pièces: soit des têtes et des lieux)

Une exposition regroupant des objets épars qui, unis dans leur juxtaposition, entrent en résonance. Ici, beaucoup d’histoires de lieux : des lieux construits et à construire, à investir ou à protéger, des lieux habités. Donc organisés. De ces organisations, certaines pièces tenteront de mettre à jour les charnières, de rendre intelligibles les rouages.


Dans les dessins de la série Luftgebaüde apparaissent des formes organiques, bulles de différentes couleurs qui contribuent à peupler divers espaces, domestiques et architecturaux pour la plupart. En allemand, Luftgebaüde signifie élucubration, et, littéralement, construction d’air. Par essence insaisissables, les assemblages de bulles font partie du monde des élucubrations, pensées et digressions. Phrases révélées, mises à jour et soudainement exposées à nos yeux, elles sont les traces de mécaniques invisibles qui organisent notre rapport au monde. Présentes mais sans matérialité, elles se manifestent par le dépôt translucide de l’encre sur le papier.


L’ensemble des oeuvres présentées ici se rapporte de près ou de loin à la question du commun entendu au sens de communauté, de partagé. Selon Littré : « commun dérive de l’ancien latin comoinis, de cum: avec et moinus: mur. Moinus que l’on retrouve dans le terme « guerrier » munir (qui a donné munitions): de munire: pouvoir, fortifier ; d’un radical moin qui appartient à la langue de l’ancienne Italie : moenia: muraille. Il en ira aussi de murs et de liens.


La cité blanche et moderniste de Lieu commun (fondazione e legatura) s’élève sur une base primitive de planches en bois brut. Des pilotis instables en forment les fondations d’apparence précaire. Une bande de caoutchouc ceinture les bâtiments, maintenant la cohésion de l’ensemble bien que l’éventualité de la rupture du lien fabrique une certaine tension. Sanglée de la sorte, la ville fait bloc, mais se trouve par conséquence privée de ses lieux publics, rues et places, lieux partagés, ainsi que de points d’accès, d’ouvertures sur l’extérieur. Une ville donc, espace commun, mais contrainte dans ses murs,isolée et au bord de la rupture.


Une autre ville blanche est celle planifiée par l’architecte sécessionniste Otto Wagner sur une colline surplombant Vienne. Cet ensemble de bâtiments regroupe le Steinhof et le Baumgartenhöhe, aujourd’hui l’hôpital Otto Wagner. C’est dans le pavillon dénommé Hermann, où étaient traitées les affections pulmonaires que Thomas Bernhard passa de longues semaines et dans le pavillon Ludwig que son ami Paul Wittgenstein fut interné en de nombreuses reprises pour sa folie. L’un malade du souffle et l’autre de la raison, Bernhard narre leur amitié dans Le neveu de Wittgenstein. En parenté avec ce récit, Pavillon Ludwig combine différents éléments organisés en strates. Au sol, se déploie un enchevêtrement de branches calcinées au milieu desquelles se trouve tapi un petit module de béton compressant une bulle de caoutchouc. De cette simili-forêt, émerge un premier tableau portant le plan du complexe immobilier dessiné par Otto Wagner, dont les chemins forment de gracieuses volutes entre les pavillons. Le niveau suivant est une surface noire, réfléchissante tout autant que close, point intermédiaire avant le dernier plateau, blanc, où affleure un léger relief le plan du rez-de-chaussée de la maison que Ludwig Wittgenstein dessina pour sa soeur à Vienne. Du sauvage à la géométrie, de l’ornement à la rigueur, de la folie à la raison, une construction protéiforme qui s’avance, hybride, chimère entre végétal et construit.


Il y aura enfin des ponctuations autour de questions territoires et de sol, de montagne, de fleuve et de vallée, de fondations et de parcelles, de frontières et d’échafaudages, d’ilmmobile et de mobilier.

Au fond, comment échafauder son chez-soi dans un double sens: creuser en partant du haut, bâtir en remontant du bas.   

     

     

     






Stéphanie Nava, Pavillon Ludwig (détail), technique mixte, 2011

Stéphanie Nava, Pavillon Ludwig (détail), technique mixte, 2011

  Stéphanie Nava, Lieux sans recours
  White Projects, Paris
  15.10 - 26.11.2011

Stéphanie Nava, Lieux sans recours, White Projects, Paris

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Exposition du 15 octobre au 26 novembre 2011. White Projects, 24 rue Saint-Claude - 75003 Paris. Tél.: +33 (0)1 47 70 25 12. Ouverture du mardi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 11h à 19h et sur rdv.



De gauche à droite : Stéphanie Nava, Lieu commun (Fondazione e legatura), bois, caséine, caoutchouc, 2007, encre et crayon sur papier, 2011 / Stéphanie Nava, de la série Luftgebaude, encre et crayon su papier, 2011

Stéphanie Nava, de la série Luftgebaude, encre et crayon su papier, 2011 Stéphanie Nava, Lieu commun (Fondazione e legatura), bois, caséine, caoutchouc, 2007, encre et crayon sur papier, 2011