Extraits du texte de Olivier Grasser, directeur du Frac Alsace
Emportés par la foule qui nous traîne... et le flot sans effort nous pousse, enchaînés l'un à l'autre, et nous laisse épanouis, enivrés et heureux...
[...]C'est certain, Pierre Ardouvin a le goût du gag et du décalage, et ses oeuvres font de prime abord facilement sourire ou grincer des dents. Puis, qu'il s'agisse d'installations, de sculptures ou de dessins, elles dégagent rapidement un curieux sentiment de familiarité et donnent l'impression de parler de quelque chose de connu. Elles peuvent s'apparenter à des reconstitutions, fonctionner comme des embrayeurs de mémoire, comme des éveilleurs de souvenirs, tant les éléments qui les composent ont des allures d'indices, simultanément factices et pleins d'une présence difficile à qualifier. Une histoire est en cours...
Comme fréquemment dans l'art contemporain, Pierre Ardouvin subsitue à un processus de symbolisation un mode de la présentation, ou de la re-présentation, et ses oeuvres reproduisent à l'échelle un, avec des éléments du réel, des situations et des paysages à la fois fictifs et intuitivement reconnus. Elles s'approprient des espaces et détournent des objets, mais placent toujours le visiteur en terrain connu, le prenant par l'intime, l'invitant à se projeter mentalement et en confiance dans d'attrayantes scénographies. Empreintes de la fraîcheur d'un vieux dessin animé, elles sont comme une mascarade de souvenirs d'enfance filmés en super 8. Tout cela a quelque chose d'un peu désuet.
Du passé, ces oeuvres n'ont pourtant que l'air, car les éléments qui les composent sont plutôt des signes d'un quotidien bien présent, ou à peine daté. Ils sont des traces d'un vécu banal et courant, convoqué par fragments dans le hic et nunc de l'oeuvre, où il se pare artificiellement de la distance du souvenir. La familiarité éprouvée est peut-être celle d'un passé encore proche et sensible, mais elle est avant tout celle des lieux communs de l'expérience et du vivant. Elle est intemporelle. C'est notre propre culture collective et populaire que ces oeuvres transposent en décors et en anecdotes, qu'elles invitent à regarder comme les reliefs d'une époque récente, où ce que nous savons du monde d'aujourd'hui semblait simple et maladroit, parfois cocasse, inconsciemment. Notre vie de tous les jours, avec ses micro-événements et ses habitudes, Pierre Ardouvin la transforme en mémoire collective.
Exposition du 12 juin au 23 août 2009. Fonds régional d'art contemporain d'Alsace, 1 espace Gilbert Estève - 67600 Sélestat. Tél.: +33 (0)3 88 58 87 55. Ouverture du mercredi au dimanche de 14h à 18h, sauf jours fériés.
En la faisant basculer dans un passé proche, il fait de notre modernité un théâtre ironique, d'où se dégage un sentiment incontournable de désillusion. Pierre Ardouvin appartient d'ailleurs à cette génération d'artistes nourrie de la culture rock et des utopies des années 60 et 70. Il construit, frondeur, ses oeuvres par jeux de réaction et d'interaction avec le contexte de la société actuelle.
Pour son exposition à Sélestat, il a conçu une nouvelle installation intitulée La Foule. Adaptée à l'espace d'exposition et produite par le Frac Alsace, elle condense les temps, les souvenirs et les références : images d'une tempête de forêts dévastées, du passage d'un cataclysme... relents de route des vacances et de voyages en caravane... atmosphère de drame, parcours interrompu, accident, destination jamais atteinte... mais aussi clin d'oeil à Robinson Crusoé sur son île, une île dérisoire et cocasse, une bande son en boucle, des bribes de La Foule d'Edith Piaf remixée électro... A l'extérieur du bâtiment, une autre oeuvre, une banderole en forme d'urgence protestataire adresse au passant un message protestataire et déceptif, situation absurde, l'intimité envahit brusquement l'espace public... clins d'oeil à Louis de Funès et à Mon Oncle, à la comédie de boulevard et aux bouleversements climatiques.
[...] L'oeuvre de Pierre Ardouvin se conçoit ainsi, comme une fabrique de l'image, une image déclinée dans tous ses états et dans toute sa panoplie. Usant de la fiction, de l'humour, condensant le temps et le synthétisant avec l'espace, travaillant sur la capacité d'une image à être réactivée, l'artiste fait tour à tour référence à la photographie, au dessin animé ou au cinéma. Dans son souci de transmission et de commentaire de l'héritage moderne, Pierre Ardouvin en convoque toute la culture visuelle. Il active les articulations entre image et mémoire, entre image et émotion.
That's all folks !
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Pierre Ardouvin, La foule, 2009. Installation au Frac Alsace
Pierre Ardouvin, Tu ne dis jamais rien! 2009. Photomontage préparatoire
Archives expositions personnelles France
Archives expositions personnelles (A)
Pierre Ardouvin, La foule
Frac Alsace, Sélestat
12.06 - 23.08.2009